Girouette au vent
Photo de Randy Fath sur unsplash.com.

Introduction

1. La tour des Vents, début historique

Si vous avez l’occasion de vous promener dans le quartier de Monastiráki à Athènes, au détour de vacances dans le bassin méditerranéen, vous pourriez être intrigués par une structure ancienne et fascinante : la tour des Vents. Connu également sous le nom d’horloge d’Andronicos, cet édifice monumental était autrefois une horloge hydraulique. Ce qui rend la Tour particulièrement remarquable, outre les vestiges de son mécanisme, ce sont les figures en haut-relief qui ornent chacune de ses huit faces : ce sont les divinités des vents, représentées avec beaucoup de détails, témoignant de l’intérêt ancien pour la compréhension des vents. L’édifice a eu plusieurs vies et a été réutilisé pour de nombreuses fonctions. Au XVe siècle, le voyageur Cyriaque d’Ancône le désignait comme un « temple d’Éole ».

La Tour des Vents, située à Athènes (photographie par George E. Koronaios, pour Wikipédia, CC0)

La toiture conique de la Tour, couronnée par trois sculptures de lions sur chaque face, était jadis surmontée d’une girouette représentant un Triton, la divinité marine. Ce Triton, avec son trident, pivotait pour indiquer la direction du vent. Chacune des huit faces du monument était dédiée à l’un des huit Vents principaux, chacun représenté dans une attitude de vol, avec des ailes à ses épaules et vêtu de façon unique. Ces figures, de Borée le vent du nord à Sciron le vent du nord-ouest, incarnaient les divers aspects des vents, des tempêtes de neige apportées par Borée aux douces brises fleuries de Zéphyr.

L’existence d’Éole, le dieu des vents dans la mythologie grecque, et cette proto-classification des vents gravée sur la tour des Vents démontrent l’importante nécessité, déjà reconnue à l’époque, de comprendre et de catégoriser les vents. Les anciens Grecs, habiles navigateurs et agriculteurs, dépendaient étroitement des caprices du vent. Pour eux, connaître et prévoir les vents n’était pas seulement une question de curiosité intellectuelle, mais une nécessité vitale. Ils devaient anticiper les tempêtes en mer, comprendre les motifs météorologiques pour l’agriculture, et organiser leurs voyages et échanges commerciaux en fonction des vents dominants. Cette nécessité a donné naissance à un riche corpus de connaissances et de croyances autour des vents, incarné par cette énigmatique tour.

2. La compréhension du vent

Mais alors, quoi de neuf depuis l’Antiquité ? À première vue, en levant les yeux vers le ciel, on pourrait croire que tout semble immobile. Pourtant, un simple regard vers les nuages nous montre qu’ils se déplacent rapidement, signe évident que les vents sont à l’œuvre. Les vitesses et les directions du vent suivent des logiques précises, influencées par divers phénomènes atmosphériques et terrestres.

Le principal moteur du vent est l’effet de chauffage du soleil sur la Terre. L’énergie solaire chauffe la surface de la planète et plus intensément à l’équateur. Lorsque la surface de la Terre se réchauffe, l’air en contact se réchauffe également. 

Lorsque l’air devient suffisamment chaud, il s’élève dans le ciel. Ce phénomène s’appelle la convection. Ceci s’explique par le fait que la température d’un gaz est une mesure de la vitesse et du nombre de chocs entre les molécules le constituant. Plus un gaz est chaud, plus les molécules se déplacent vite et sur de grandes distances. Cela signifie alors que le gaz aura tendance à occuper plus d’espace, le rendant par conséquent moins dense. C’est cette perte de densité qui le rend donc plus léger et aura pour conséquence la montée de l’air. C’est ainsi que les montgolfières volent : une petite flamme chauffe l’air à l’intérieur du ballon pour l’élever. Cette ascension crée une zone de basse pression en surface où l’air plus frais est aspiré, formant le flux d’air que nous appelons sobrement le « vent ».

Le vent est simplement de l’air en mouvement. Bien que nous ne puissions pas réellement voir l’air bouger, nous pouvons mesurer son mouvement par la force qu’il applique sur les objets. Par exemple, un drapeau pointe dans la direction opposée à celle du vent. Le vent fait bouger les feuilles à l’opposé de la direction d’où il souffle.

Trois forces principales influent sur le mouvement de l’air :

  • La force du gradient de pression  : Cette force résulte de la différence de pression et pousse l’air des zones de haute pression vers les zones de basse pression. C’est la force initiale qui met l’air en mouvement.
Carte des fronts et isobares du 3 avril 2006 (Météo France)

La carte météorologique illustrée indique les centres d’anticyclone (A), associés aux hautes pressions, ainsi que les centres de dépression (D), liés aux basses pressions. Ceci sont entourés par des isobares, ces lignes qui définissent des zones d’égalité de pression atmosphérique, similaires aux courbes de niveau sur une carte topographique qui relient des points d’altitude égale en montagne. Elles relient des points où la pression est identique. Au sein des zones de hautes pressions, la pression atmosphérique s’intensifie au fur et à mesure qu’on s’approche du centre, illustrée par des lignes concentriques qui se resserrent. À l’inverse, dans les zones de basse pression, chaque ligne concentrique qui se rapproche du centre indique une pression de plus en plus faible. L’espacement des isobares est un indicateur direct du gradient de pression : plus elles sont rapprochées, plus la pression change rapidement sur une courte distance, ce qui traduit un gradient de pression élevé. La vitesse du vent est en corrélation directe avec ce gradient de pression ; par conséquent, là où le gradient est important, indiquant un changement de pression marqué entre zones de haute et de basse pression, on observe également une augmentation de la vitesse du vent.

La force du gradient de pression est donc une force qui cherche à équilibrer les différences de pression atmosphérique, poussant l’air des zones de haute pression vers celles de basse pression. Pour mieux comprendre ce phénomène, imaginons que nous conduisions sur l’autoroute derrière un camion qui se déplace rapidement. Lorsque le camion avance, il pousse l’air devant lui et autour de lui, créant une zone de basse pression derrière lui en raison du “retard de remplissage” de cet espace par l’air environnant. Cette différence de pression entre la zone se situant devant le camion (plus haute pression) et derrière lui (basse pression) génère un effet d’aspiration. En tant que conducteur derrière ce camion, nous pouvons ressentir cette force d’aspiration comme une traction qui nous pousse vers le camion. Cet effet aérodynamique est souvent appelé “aspiration”. Il est par exemple utilisé dans le domaine du sport automobile pour économiser du carburant et augmenter la vitesse en se plaçant juste derrière un autre véhicule. Tout comme nous ressentons une force nous tirer vers la voiture, l’air est poussé de la haute vers la basse pression par cette force du gradient de pression.

  • La force de Coriolis : Bien que souvent appelée force, la désignation plus exacte serait celle d’effet de Coriolis, car la force perçue n’est en réalité qu’une illusion générée par la rotation. Imaginez notre planète comme un immense plateau tournant, semblable à un manège, qui tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre lorsqu’on le regarde depuis le pôle Nord. Cet immense manège en rotation est le cadre de notre vie quotidienne, mais souvent, nous oublions qu’il tourne. On dit que c’est un référentiel non-inertiel, car des objets visiblement immobiles ou en trajectoire rectiligne semblent interagir avec des forces extérieures, ce qui n’est pas le cas pour les référentiels inertiels (dans le cas d’une planète sans rotation par exemple, mais cela entraînerait bien des problèmes !).
    Pour le visualiser simplement, nous pouvons imaginer qu’un avion décide de voler le long d’un méridien mais ne touche plus les commandes une fois lancé. S’il part du pôle Nord et vole en direction de l’équateur, au moment de franchir la ligne de celui-ci, on aura observé une déviation de plusieurs dizaines de kilomètres, ce qui arrive typiquement dans les vols trans-équatoriaux. Dans l’hémisphère nord, cette courbure se fait vers la droite et dans l’hémisphère sud, vers la gauche. L’amplitude de cette déviation dépend de plusieurs facteurs, notamment la vitesse et le temps de déplacement, mais aussi la position (l’effet étant plus fort aux pôles et nul à l’équateur).
Description visuelle, non à l’échelle, de la divergence perçue dans le déplacement des objets par l’effet Coriolis (crédits: Accromath, vol.6.2.)

En conséquence, les mouvements rapides et sur de grandes distances sont visiblement impactés par cet effet, c’est ce qui se passe donc avec les masses d’air et les courants océaniques, mais aussi avec les systèmes météorologiques de grande échelle. Les cyclones, par exemple, tournent dans des directions spécifiques selon l’hémisphère : dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud et dans le sens inverse dans l’hémisphère nord, directement à cause de la rotation de la Terre qui influence ces énormes systèmes dans son propre mouvement de rotation.

  • La force de friction : En plus des forces déjà mentionnées, la force de friction joue également un rôle dans la dynamique du vent, surtout près de la surface de la Terre. Cette force résulte de l’interaction de l’air en mouvement avec la surface terrestre, qui est naturellement rugueuse en raison de la présence de reliefs, de bâtiments, de végétation et d’autres éléments. Ces obstacles, non seulement ralentissent le vent, mais peuvent également changer sa direction. Cette force de friction est plus prononcée au niveau du sol et diminue avec l’altitude, c’est pourquoi les vents sont généralement plus forts et plus stables en altitude qu’au niveau du sol.
    De ces forces résulte un système qui, bien que simple par ses hypothèses, démontre un grand nombre de propriétés et mécanismes émergents. En effet, il est même possible de découvrir des phénomènes plus ou moins cycliques, qui sont nécessaires de garder à l’esprit pour compléter une première compréhension des grandes dynamiques du vent terrestre :
    Près des zones de basse pression, connues comme les dépressions, l’air est aspiré vers le centre et est contraint de monter. En effet, l’air ne peut pas simplement s’accumuler au niveau du sol sans aller nulle part : il doit s’élever. En s’élevant, l’air se refroidit et la condensation l’emporte sur l’évaporation, résultant en la formation de nuages et de précipitations. Cette transformation mène souvent à des conditions météorologiques instables et à la pluie dans ces régions de basse pression.
    Inversement, autour des anticyclones, où la pression est élevée, l’air descend des niveaux atmosphériques supérieurs et se disperse à la surface. Cet air descendant se réchauffe. Ainsi, la vapeur d’eau contenue dans l’air a tendance à s’évaporer plutôt qu’à se condenser en gouttelettes, entraînant la disparition des nuages et favorisant ainsi un temps clair et ensoleillé.
    Ce phénomène se produit dans un cycle continu, où l’air chaud monte, se refroidit en altitude, et redescend, contribuant à la formation de ce que l’on nomme les cellules de circulation atmosphérique.
    Ces cellules, comme les grandes roues de la météo, orchestrent le ballet des vents autour de la planète. Elles ne se limitent pas à l’équateur : des cellules similaires existent dans d’autres zones climatiques. Par exemple, les cellules de Ferrel et les cellules polaires, qui opèrent respectivement dans les latitudes moyennes et près des pôles, jouent un rôle tout aussi capital dans la régulation de la circulation de l’air.
Modèle tri-cellulaire de la circulation atmosphérique (crédits : lavionnaire.fr)

Ces mouvements d’air ascendant peuvent aussi transporter l’humidité vers les hauteurs où la température est plus froide. Cette humidité se condense en gouttelettes d’eau, formant ainsi occasionnellement un nuage. Comme nous l’avons déjà dit, une fois que l’air a atteint une altitude où il ne peut plus monter, il commence à se refroidir rapidement et devient plus dense. Ce refroidissement est accentué par la chute des précipitations, qui peuvent entraîner avec elles de l’air froid des couches supérieures de l’atmosphère.

Lorsque cet air refroidi et plus lourd ne peut plus rester en altitude, il tombe vers le sol en un courant descendant rapide et puissant. En atteignant la surface, cet air froid se propage horizontalement à grande vitesse, pouvant provoquer des vents violents connus sous le nom de rafales descendantes ou micro-rafales. Ces vents peuvent balayer une zone de façon soudaine et intense, faisant chuter la température de manière rapide et significative. C’est la raison pour laquelle la température peut brusquement chuter lorsqu’un orage se développe par une chaude journée d’été, apportant un refroidissement soudain et parfois des bourrasques surprenantes.

Les différences de température entre les océans et les continents génèrent également des vents spécifiques, tels que les brises marines et terrestres, dues aux vitesses différentes auxquelles l’eau et la terre se réchauffent et se refroidissent. La topographie terrestre, avec ses montagnes et ses vallées, joue également un rôle dans la direction et la vitesse du vent, modulant les courants aériens régionaux. Le vent est tordu et dévié par les nombreux obstacles qu’il rencontre sur son chemin. Dans les forêts, les arbres bloquent le vent et protègent le sol des rafales. Dans les grandes villes, les gratte-ciels canalisent le vent dans des espaces étroits, ce qui l’accélère.

Ces caractéristiques ont façonné le cours de l’histoire. Les vents ont apporté les pluies qui ont permis aux sociétés anciennes de cultiver des aliments et de prospérer. Les brises tropicales appelées « alizés » ont permis aux premiers explorateurs de traverser de vastes océans et de découvrir de nouveaux mondes. Ainsi, le vent demeure un vieil ami de l’humanité, le même qui souffla sur les voiles de Thésée, Fernand de Magellan ou Paul-Émile Victor.

Sciences et techniques

1. L’altitude, territoire encore inexploré

Mais comment sait-on tout cela sur les vents ? Au-delà de la simple observation et des anciennes tours helléniques, notre quête pour comprendre les vents nous a amenés à développer une variété d’outils et de techniques sophistiquées. Chaque innovation a apporté son lot de découvertes, mais aussi ses propres défis.

Bien que le vent soit communément discuté en termes de vitesse et de direction, il est aussi souvent mesuré en termes de « cisaillement ». Ce cisaillement est une différence de vitesse et de direction du vent sur une distance définie dans l’atmosphère : celui-ci est mesuré à la fois horizontalement et verticalement. Dans des conditions normales, les vents se déplacent beaucoup plus vite en altitude, créant un fort cisaillement du vent aux altitudes plus élevées. Cette terminologie est utilisée car le cisaillement implique un changement ou une « coupure » dans le profil du vent, semblable à la façon dont le terme est utilisé dans d’autres contextes physiques pour décrire une force qui cause un glissement ou une déformation.

Les ingénieurs doivent tenir compte du cisaillement du vent moyen d’une région lors de la construction de bâtiments. Par exemple, le cisaillement est plus élevé près des côtes. Les gratte-ciels doivent également tenir compte de cette augmentation du vent en ayant une fondation plus solide ou en étant conçus pour se balancer en toute sécurité avec les mouvements de l’air.

Cela dit, maîtriser ce paramètre n’est pas l’histoire d’un simple capteur placé intelligemment. Comme nous l’avons abordé plus tôt avec les cellules de circulation, l’atmosphère entière est en interconnexion permanente, et le couplage des différentes altitudes rend difficile l’anticipation de la dynamique d’un lieu précis. Ainsi, la compréhension des différentes strates de l’atmosphère et du comportement du vent changeant avec l’altitude est nécessaire, même si on vit uniquement à la surface de la planète. L’atmosphère terrestre est divisée en plusieurs couches, chacune ayant des caractéristiques uniques qui influencent les modèles de circulation du vent.

  • La troposphère : C’est la couche la plus basse de l’atmosphère, s’étendant jusqu’à environ 8 à 15 kilomètres au-dessus de la surface de la Terre. Cette variation est principalement due aux différences de température influencées par la latitude et les saisons. Dans les tropiques, où le soleil chauffe intensément, l’air se dilate et la troposphère s’épaissit. Près des pôles et pendant les saisons froides, le rayonnement solaire est moindre, l’air reste plus dense et la troposphère se contracte. C’est dans cette couche que se produisent la plupart des phénomènes météorologiques que nous observons, comme les nuages, les orages et les vents dominants. Les vents dans la troposphère sont fortement influencés par la température et le relief terrestre. Pour mieux visualiser cette altitude, on peut rappeler que l’Everest s’élève à près de 8,848 mètres et que la plupart des avions de ligne commerciaux volent à environ 10 kilomètres d’altitude.
  • La stratosphère : Située juste au-dessus de la troposphère, s’étendant jusqu’à environ 50 kilomètres d’altitude, la stratosphère est caractérisée par une augmentation de la température avec l’altitude, due à la présence de l’ozone. Ici, les vents sont généralement plus stables et plus rapides, comme le jet-stream, un courant d’air rapide qui circule d’ouest en est.
  • La mésosphère et au-delà : Au-dessus de la stratosphère, la mésosphère s’étend jusqu’à environ 85 kilomètres d’altitude, suivie par la thermosphère et l’exosphère. Dans ces couches supérieures, les vents peuvent se comporter de manière très différente, influencés par des facteurs tels que les variations solaires et les interactions avec les couches inférieures.

La distinction de ces zones n’est pas que sémantique, car le vent ne se comporte pas de la même manière à travers ces strates. Par exemple, les vents près de la surface terrestre sont souvent plus turbulents et influencés par des obstacles locaux comme les bâtiments et les montagnes. En revanche, les vents en altitude, comme ceux de la stratosphère, peuvent être extrêmement rapides et stables sur de longues distances.

2. Inventaire des technologies d’observation

La technologie moderne nous a permis d’explorer ces différentes couches de l’atmosphère en détail. Des ballons météorologiques aux satellites, en passant par les avions de recherche, chaque outil nous offre un aperçu précieux de la dynamique des vents à différentes altitudes. Ces observations, combinées à des modèles informatiques avancés, nous aident à mieux prévoir les conditions météorologiques, à comprendre les changements climatiques et à optimiser des domaines tels que l’aviation et l’énergie éolienne.

Prenons les radiosondes (ou ballons-sondes), par exemple. Ces petits appareils, attachés à des ballons remplis d’hélium ou d’un gaz plus léger que l’air, s’élèvent jusqu’à 35 km d’altitude, bravant l’atmosphère pour collecter des données précieuses. Ils mesurent la température, l’humidité, et bien sûr, la vitesse et la direction du vent. C’est un peu comme envoyer des messagers dans le ciel, mais une fois leur mission accomplie et le ballon éclaté, ces messagers ne reviennent pas. En effet, ils sont rarement récupérés car ils tombent souvent en mer, posant ainsi un véritable problème pour les écosystèmes. De plus, comme la réception du signal dépend d’une ligne de vue directe, il suffit que le ballon chute derrière une montagne pour que le signal soit perdu. À ce moment-là, la zone d’atterrissage potentiel devient tellement vaste qu’il est presque impossible de le retrouver. Chaque lancement est donc une aventure unique et coûteuse.

Les radars profileurs de vent nous offrent une fenêtre continue sur le monde des vents, mais à travers une lentille limitée. Ils scrutent le ciel pour détecter le mouvement de l’air, mais leur portée est confinée à une zone fixe. C’est un peu comme avoir un phare qui ne peut éclairer que certaines parties de l’océan des airs.

Ensuite, il y a les lidars de vent Doppler-Rayleigh au sol. Ces dispositifs sophistiqués utilisent des faisceaux laser pour analyser les mouvements de l’air. Le principe repose sur l’effet Doppler, qui modifie la fréquence de la lumière renvoyée par les particules en mouvement dans l’atmosphère. En émettant un faisceau laser et en mesurant les changements de fréquence de la lumière renvoyée, le lidar peut déterminer la vitesse et la direction du vent avec une grande précision. Cela est possible grâce à la détection des variations minuscules dans le comportement des particules dans l’air qui reflètent la lumière du laser. Cependant, malgré leur précision, les lidars sont limités par les conditions atmosphériques : la présence de brume, de pluie ou de neige peut interférer avec le faisceau laser, rendant la collecte d’informations moins claire et plus difficile.

Les fusées sondes, quant à elles, sont de véritables exploratrices de l’atmosphère. Lancées vers le ciel, elles pénètrent dans des régions que peu d’autres instruments peuvent atteindre, telles que la mésosphère. Armées de capteurs, elles traquent les vents là où d’autres ne peuvent aller. Mais comme les héros des anciens mythes, leur voyage est éphémère. Une fois leur mission accomplie, elles retombent sans vie.

Une fusée Véronique sur son pas de tir en 1962 (Photographiée par Eric Salard,  disponible sur Wikipédia, domaine public)

Les sodars, frères sonores des radars, chantent dans le vent pour en déduire ses mouvements. Ils émettent des ondes sonores qui montent dans l’atmosphère et captent les échos renvoyés par les irrégularités de l’air. En mesurant la fréquence des ondes sonores qui reviennent après avoir été dispersées par le mouvement des particules dans l’air, les sodars peuvent déterminer la vitesse et la direction du vent à différentes altitudes. Cette technique est donc aussi basée sur l’effet Doppler, tout comme pour le radar et le lidar, et par conséquent analyse comment le mouvement de l’air modifie la fréquence des ondes sonores renvoyées. Leur voix, cependant, porte peu, se limitant à quelques centaines de mètres au-dessus de nos têtes. Et dans le tumulte du monde moderne, leur chant peut se perdre, noyé dans le bruit ambiant.

Les technologies spatiales, comme les satellites, nous donnent une vue d’ensemble, scrutant les vents sur de vastes étendues. Ils sont nos yeux dans le ciel, observant les mouvements de l’air à une échelle globale. Parmi celles-ci, les lidars embarqués sur satellite émettent des impulsions laser vers la Terre et mesurent les changements dans la réflexion de la lumière causés par les particules en mouvement dans l’atmosphère, ce qui permet de déduire la vitesse et la direction du vent. Une autre méthode, la radio-occultation, exploite les signaux des satellites de navigation, qui, en passant à travers l’atmosphère, subissent des modifications dues aux variations de densité de l’air et de la vitesse du vent. On peut alors faire communiquer deux satellites par un signal qui traverse l’atmosphère, pour en déduire ses propriétés. Les satellites peuvent également utiliser les déplacements apparents des éléments dans l’atmosphère, comme les nuages ou les aérosols, pour créer des cartes de vecteurs de mouvement atmosphérique (AMV), offrant ainsi des estimations de la direction et de la vitesse du vent à différentes altitudes. Mais même ces gardiens célestes ont leurs limites. Leurs observations peuvent être voilées par les nuages ou les aérosols et sont très sensibles à la météo solaire. De plus, chaque lancement est une affaire particulièrement coûteuse et complexe.

Chaque instrument, de la simple radiosonde aux satellites sophistiqués, est comme un pinceau dans la main d’un peintre, nous aidant à dessiner un tableau de plus en plus précis des vents qui parcourent notre planète. Ensemble, ils racontent une histoire, une symphonie de mouvements et de forces qui façonnent notre monde et notre compréhension de l’atmosphère. Malgré leurs imperfections, ces outils nous guident dans notre quête millénaire de connaissance et maîtrise des éléments.

Avenir

1. Les satellites comme perspectives d’avenir

La quête pour mesurer et comprendre les vitesses et les comportements des vents sur la planète représente un défi scientifique et technique continu. Bien que nous ayons développé une multitude d’outils pour observer les vents à différentes altitudes et emplacements, il reste des zones où la mesure précise du vent est particulièrement difficile. Un exemple notable est l’océan Indien, où les conditions météorologiques complexes (dynamique tropicale unique, présence accrue de cyclones) et le manque d’infrastructures d’observation locales rendent les données moins accessibles et fiables. La mesure est aussi entravée par d’autres facteurs, notamment les limitations technologiques des instruments comme les radars et les lidars. Les satellites sont donc aujourd’hui considérés comme le chaînon majeur dans la résolution de ces défis, offrant des données sans précédent sur les dynamiques atmosphériques.

Parmi ces satellites, Aeolus, lancé par l’ESA en 2018, se distingue comme le premier satellite capable de mesurer les profils de vent à travers le monde, de la surface de la Terre jusqu’à la stratosphère. Utilisant la technologie lidar ultraviolet, Aeolus est un outil inestimable pour améliorer les prévisions météorologiques et comprendre les changements climatiques globaux. La mission, couronnée de succès, s’est achevée en avril 2023 et une constellation Aeolus-2 est prévue pour la fin de la décennie.

Illustration d’artiste représentant le satellite Aeolus en fonctionnement (Crédit : ESA/AOES Medialab)

Le satellite SWOT (Surface Water and Ocean Topography), une collaboration entre la NASA et le CNES, apporte des données détaillées sur les lacs, les rivières et les océans, ce qui est essentiel pour comprendre les cycles hydrologiques, leur couplage avec l’atmosphère et l’impact du changement climatique.

EarthCARE (Earth Clouds, Aerosols and Radiation Explorer), un projet conjoint entre l’ESA et la JAXA, dont le lancement est prévu en 2024, se concentre sur l’étude des nuages, des aérosols et de leur interaction avec les rayonnements solaire et terrestre. Les technologies avancées comme le lidar et le radar utilisées par EarthCARE permettront des mesures précises, auparavant impossibles. Elles pourront aider à comprendre plus en profondeur les régions tropicales, où beaucoup de nuages viennent interférer avec les instruments traditionnels.

Ces nouveaux outils soulignent que l’exploration des vents est une entreprise internationale, nécessitant la coopération entre les nations et les organisations scientifiques pour partager les données, les ressources et les connaissances. Cela permettra non seulement d’avancer dans la compréhension scientifique, mais aussi de relever les défis mondiaux liés aux phénomènes météorologiques et aux changements climatiques.

2. Enjeux futurs

Au terme de notre voyage à travers les mystères des vents, depuis les anciennes tours helléniques jusqu’aux avancées technologiques modernes, il apparaît clairement que le vent joue un rôle crucial dans la détermination de notre climat et de notre écologie. Son impact va bien au-delà de la simple brise que nous ressentons sur notre visage.

La compréhension des vents n’est pas seulement une question scientifique, mais aussi un enjeu de société : le changement climatique influence les modèles de vent, affectant tout : des conditions météorologiques extrêmes, aux écosystèmes et à l’agriculture. Une meilleure compréhension des vents peut aider à prévoir et à atténuer les impacts des événements météorologiques, à optimiser les systèmes d’énergie éolienne ou à améliorer la sécurité et l’efficacité de l’aviation.

Les vents sont responsables de la distribution de la chaleur et de l’humidité sur la planète, influençant ainsi les climats locaux et globaux. Des phénomènes comme le Gulf Stream et le courant circumpolaire antarctique illustrent cette influence, modulant les températures et créant des conditions climatiques plus douces dans certaines régions. De plus, les interactions des vents avec les reliefs terrestres, comme les rain shadows, ont un impact significatif sur les climats locaux.

Schéma de l’apparition d’une « rain shadow » , ou ombre pluviométrique (illustration par Fabiocarboni, modifications par Bourrichon. Disponible sur Wikipédia, CC-BY-SA 3.0)

Le vent façonne également l’écologie de notre planète. Sa capacité à transporter des éléments comme la poussière, les cendres volcaniques, et même les graines sur de longues distances est un facteur clé dans la morphologie des paysages et dans la dispersion des espèces végétales. Ces phénomènes contribuent à la biodiversité et à la régénération écologique, tout en ayant des impacts tangibles sur des aspects tels que l’agriculture et l’érosion des sols.

L’énergie éolienne est un exemple parfait de l’utilisation du vent en tant que ressource renouvelable. Avec les progrès technologiques, les éoliennes sont devenues plus efficaces et plus répandues. Des pays comme l’Allemagne et l’Espagne ont été des pionniers dans l’utilisation de cette technologie, et l’augmentation de la dépendance mondiale à l’énergie éolienne est un pas positif vers un avenir plus durable.

L’avenir de la recherche dans l’étude du vent est prometteur, avec plusieurs axes de développement, majoritairement incarnés par diverses missions satellitaires. L’amélioration continue des technologies d’observation de la Terre depuis l’espace et des méthodes de modélisation climatique (tels que les jumeaux numériques, comme le Digital Twin Earth du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme) poussent vers une meilleure compréhension et prédiction des modèles de vent.

Cela aura des implications directes sur la gestion des risques climatiques, la planification de l’utilisation des terres et la conception de stratégies pour atténuer les changements climatiques. La collaboration internationale restera un pilier essentiel pour avancer dans ces domaines, avec le partage de données, d’expertise et de ressources. Cela permettra non seulement de faire progresser la science, mais aussi de relever les défis mondiaux liés aux phénomènes météorologiques et aux changements climatiques.

L’histoire dans l’Histoire, mes recherches sur les ondes de gravité atmosphériques

Je vais me permettre pour cette dernière partie de changer le style de narration pour la première personne, afin de vous raconter une histoire un peu plus personnelle : celle de ma thèse de doctorat. J’ai effectué ma thèse au LATMOS (Laboratoire ATMosphères & Observations Spatiales) , dans le cinquième arrondissement de Paris, de décembre 2020 à février 2024. Le sujet de ma thèse s’intitulait «Etude des caractéristiques globales des ondes de gravité atmosphérique à l’aide des mesures de vent du satellite de l’ESA Aeolus ».

Aeolus, comme présenté plus haut, est un satellite européen aux nombreux enjeux qui fut en service d’août 2018 à avril 2023. Il a de particulier que c’est le seul lidar à fonctionnement Doppler Rayleigh depuis l’espace, ce qui fait de lui un pionnier dans l’exploration des données de vent depuis un système spatial. 

Aeolus délivre des profils verticaux de vent, c’est-à-dire qu’il permet d’obtenir, sur un tracé moyen de 90 kilomètres (correspondant au déplacement du satellite sur son orbite pendant la mesure), la vitesse du vent sur la colonne d’air comprise entre 0 et 30 km. Le satellite effectue 15 fois le tour de la terre par jour, ce qui explique que les mesures soient effectuées le long d’un tracé plutôt que ponctuellement, car celui-ci se déplace bien trop rapidement.

Les données de vent sont des éléments clés de l’analyse du climat. Généralement, il est tellement difficile d’en obtenir que les modèles ont plutôt recours à du vent thermique, c’est à dire déduire mathématiquement des équations thermodynamiques les valeurs de vitesse du vent à partir des données de températures. Un grand nombre d’études ont démontré que les zones où les assimilations directes des données de vent sont peu nombreuses (régions du monde peu habitées, océans, pôles) sont également les zones où il est observé le plus grand écart entre les modèles et les données réelles de vent. En d’autres termes, moins il y a de données, moins les modèles sont capables de deviner par eux-même les valeurs du vent dans ces zones. 

L’intérêt d’Aeolus est donc évident : proposer un nouvel outil d’observation à échelle globale sur les précieuses données du vent. Au-delà du retour direct sur les prévisions météorologiques, il est aussi nécessaire de mentionner que ce projet avait une intention d’améliorer notre compréhension des phénomènes dynamiques dans la troposphère et basse-stratosphère.

Un phénomène bien connu des dynamiciens est celui des ondes de gravité atmosphériques. À ne pas confondre avec les ondes gravitationnelles, des déformations de l’espace-temps suite à la fusion d’objets massifs (trou noirs et/ou étoiles à neutrons), les ondes de gravité atmosphériques sont plutôt des oscillations de la masse d’air au sein de l’atmosphère.

On peut le visualiser comme des ondulations sur la surface d’un lac causées par le passage d’un bateau. Dans l’atmosphère, ces ondes de gravité se manifestent quand l’air se déplace sur un relief montagneux ou lorsqu’il rencontre des variations abruptes de température ou de densité. L’air, confronté à ces obstacles ou à ces discontinuités, est forcé de monter et descendre, créant ainsi des ondes qui peuvent se propager sur de longues distances.

L’intérêt d’un lidar est qu’il nous permet d’obtenir la dynamique de l’atmosphère à un instant relativement court. Si, à mesure que l’on monte ou descend les paliers d’altitude, des variations très brusques de la vitesse du vent sont observées, il y a de grandes chances qu’un phénomène dynamique soit la cause de cette perturbation. Déterminer l’origine de la cause et, si c’est une onde de gravité, ses propriétés plus précises, était tout l’enjeu des ces trois années académiques.

Le LATMOS possède une expertise de très longue date dans la technologie lidar, à l’époque appelé Service d’aéronomie. Cet héritage se reflète aussi dans deux sites de mesures, situés à l’Observatoire de Haute Provence (OHP) ainsi qu’à l’Observatoire du Maïdo, sur l’île de la Réunion. J’ai eu l’opportunité de me rendre dans ces deux centres d’expertise afin d’utiliser nos lidars au sol, pour les comparer aux passages d’Aeolus. Puisque le principe instrumental de ce dernier est basé sur le même principe que nos outils sur site, cela va permettre de proposer une comparaison des données sans biais liés à des différences d’instrumentation.

L’intérêt de comparer ces objets entre eux est double : il permet non seulement de prouver que le satellite fonctionne bien, mais aussi, si les résultats s’avèrent concluants, d’utiliser le satellite en autonomie tout en ayant une bonne connaissance de ses points faibles. 

Le seul véritable souci est qu’Aeolus fonctionne uniquement sous très basse luminosité, c’est pourquoi il ne traverse le ciel que de nuit, et qu’il m’était donc nécessaire de rester éveillé très tard le soir pour surveiller les instruments. Mais cela m’a aussi permis de passer de belles nuits sous les étoiles, dans des ciels particulièrement propres et dégagés, loin de la pollution atmosphérique et du bruit des villes.

Profils de vents mesurés par ballon-sonde (noir), lidar au sol (rouge) et lidar spatial d’Aeolus (bleu)          (a) 24 février 2021 (Maido) – (b) 9 juin 2021 (Maido) – (c) 14 décembre 2021 (OHP) – (d) 20 décembre 2021 (OHP) L’ombrage bleu réprésente l’erreur estimée par le satellite sur ses propres mesures                                               

Ainsi, un des résultats de ma thèse, au-delà du volet scientifique et théorique des ondes de gravité, est ma modeste contribution au monde de la mesure des vents. La figure ci-dessus permet de visualiser, avec chaque instrument, des scénarios différents et peut donc aider à mettre en lumière les défauts du satellite. Ici, nous avons la possibilité de voir plusieurs types d’erreurs, tous propres à Aeolus. 

Il est indispensable d’utiliser au moins deux autres outils de mesure supplémentaires. En effet, dans le cas où il n’y aurait qu’un seul autre instrument comparateur, il serait difficile de départager la bonne de la mauvaise mesure, si les deux instruments venaient à se contredire. Cette installation nous a donc dévoilé trois problèmes propres au satellite, et qui devaient être identifiés formellement. La première, présente dans la figure (a), est une oscillation subite observée du point de vue d’Aeolus mais pas des instruments témoins. En temps normal, une oscillation de ce genre représenterait une observation d’intérêt pour nous car cela pourrait correspondre à une onde de gravité de petite longueur d’onde. Cela dit, si les autres instruments n’attestent pas de cette perturbation, il est alors très probable que ce phénomène soit plutôt dû à des vibrations directement sur le satellite lui-même. La nature de ces vibrations n’a pas été clairement attribuée, mais il a été supposé qu’elles peuvent soit provenir d’un effet de résonance du socle du laser, ou bien d’un trop grand parasitage du signal reçu par l’activité solaire.

Le second cas (b) montre un motif bleu en “cloche” qui semble dévier des deux autres instruments. C’est ici assez clairement un cas où l’air n’est pas assez dense, c’est-à-dire qu’il n’y a pas un nombre suffisant de molécules, permettant de réfléchir le signal. Ceci n’est pas le cas pour le lidar au sol, car il dispose d’une énergie de base bien plus grande (l’instrument au sol est beaucoup plus grand et puissant que celui embarqué), ce qui signifie qu’il nécessite beaucoup de moins de molécules d’air pour récupérer un signal lisible. 

Le troisième cas (c) montre un plutôt bon accord entre les différents instruments à l’exception d’un point aux alentours de 23 km qui semble représenter une subite accélération du profil de vent. En réalité, ce point est une erreur de l’instrument appelée « pixel chaud ». Pour le comprendre, il faut imaginer le capteur de réception du signal comme les pixels qui constituent notre écran de télévision. Parfois, à cause de l’activité solaire notamment, il est possible qu’un des pixels devienne surchargé et sature, un peu comme un pixel devenu noir sur notre écran. Ainsi, le pixel sera bloqué à une valeur constante pendant une certaine durée, la valeur et position de celui-ci étant complètement aléatoire. C’est par conséquent un problème facilement identifiable, puisqu’il suffit de regarder sur les profils adjacents si la même valeur apparaît à la même altitude. Si c’est le cas, alors c’est très probablement un pixel chaud.

Enfin, le quatrième et dernier cas (d) présente un mariage heureux de ces trois cas de défaillance simultanément : on observe un premier décrochage avec un pixel chaud à 12km, un second à 22 km et une perte de signal dû aux hautes altitudes ensuite. De plus, on peut apercevoir sur l’ensemble du signal une tendance oscillatoire, symptomatique d’une perturbation propre au satellite, non perçue sur les profils terrestres. 

Derrière cette figure un peu technique, se cache une partie de ces trois dernières années de ma vie, 39 mois précisément ! Cette figure est issue de mon tout premier article publié. Je l’ai commencé lors de ma première campagne de mesure à l’observatoire du Maïdo en juin 2021 et sa version définitive fut soumise en septembre 2022, sous le soleil de Saint-Raphaël . Je suis devenu docteur dans un contexte où les thèses attirent de moins en moins, alors je me sens un peu obligé de vous dire que je trouve ça très dommage.

Non pas dommage pour la science, car je sais que chaque génération produit de brillants chercheurs qui, à chaque instant, marchent un peu plus loin que leurs aînés. Mais dommage pour les jeunes femmes et hommes, qui renoncent à ce choix, car le considérant trop risqué ou trop difficile à mettre en avant pour une éventuelle suite de carrière professionnelle dans le domaine privé. 

Pour moi, le doctorat fut un moment unique de ma vie, que j’ai réellement vécu avec passion. Au-delà des idées que l’on peut se faire du scientifique, solitaire et monochromatique, j’aimerais vous convaincre que j’en ai eu une expérience vraiment inverse, où j’ai rencontré beaucoup, du monde entier et avec toujours une grande richesse. Jamais autrement que par un doctorat, je n’aurais pu me faire des amis d’Écosse, Grèce, Bulgarie, Slovénie, Turquie, Russie, Cuba, Afrique du Sud, Brésil et d’autres pays bien trop peu en contact quotidiennement avec notre culture. J’ai aussi beaucoup voyagé, en Grèce, Autriche, Allemagne, Italie et cela sans compter mes nombreux déplacements à l’intérieur de la France, comme à Toulouse, Grenoble ou le périlleux plateau de Saclay. 

En conclusion, ce doctorat fut bien plus qu’une simple étape académique. Ces années ont été un voyage, une aventure humaine et intellectuelle qui m’a transformé et m’a permis de grandir. À tous ceux qui hésitent à se lancer dans un doctorat, je dirais simplement : osez. Osez prendre ce chemin, osez affronter les défis et osez découvrir le monde qui vous entoure. La récompense n’est pas seulement dans le diplôme, mais dans chaque moment vécu, chaque personne rencontrée et chaque découverte faite en cours de route.

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, mais aucun périple n’aurait été possible sans l’aide précieuse du vent. Prenons le temps de remercier cet ami invisible, qui guide nos voiles vers de nouvelles découvertes et horizons.

Bibliographie

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Après un diplôme d'ingénieur aérospatial (ESTACA-SUPAERO) et une licence en physique fondamentale (Paris 7), Mathieu Ratynski a obtenu sa thèse en Février 2024 au LATMOS/CNES et se spécialise dans la dynamique de la stratosphère et des ondes de gravité atmosphériques. Au moment de la rédaction de cet article, Mathieu est chercheur postdoctoral à l'Université de Miami.

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